Dans l’entraînement moderne, notre objectif est de recréer, voire de dépasser les exigences compétitives afin d’optimiser la performance des joueurs en match. Depuis plusieurs années, les études scientifiques s’intéressent aux formats de jeu permettant d’y parvenir. Mais faut-il chercher à reproduire le volume des matchs ou plutôt leur intensité ?
Reproduire les volumes compétitifs à l’entraînement est complexe, car cela impliquerait des durées similaires à celles des matchs, ce qui n’est pas toujours envisageable. C’est pourquoi la réplication des intensités compétitives est plus souvent recherchée.
De nombreux indicateurs existent pour mesurer l’intensité, mais jusqu’à récemment, peu prenaient en compte la dimension intégrée (avec ballon). C’est dans ce contexte qu’a émergé le concept de Worst-Case Scenario (WCS), qui représente les pics d’intensité les plus élevés d’un joueur dans une fenêtre temporelle donnée (ex. 1 minute).
Par exemple, un joueur peut parcourir 200 à 250 mètres par minute lors de son pic d’intensité, alors que son rythme moyen sur un match est d’environ 100 à 120 mètres par minute s’il joue 90 minutes. Ce WCS est donc un bon indicateur des efforts maximaux qu’un joueur doit être capable de supporter en match. Notons que d’autres résultats que ceux présentés ici sont disponibles dans l’étude, notamment pour les WCS à haute intensité, au-delà de 20km/h. Nous ne présenterons ici que le WCS sur la distance totale.
Dans notre étude, nous avons cherché à quantifier le temps que chaque joueur passe à différents pourcentages de son WCS, en comparant deux périodes distinctes :
Période de congestion (à partir du 20 août, sur 14 jours) : 4 matchs compétitifs avec 2 à 3 jours d’entraînement entre les rencontres.
Période de non-congestion (après une trêve internationale, sur 27 jours) : 4 matchs également, mais avec 4 à 5 jours d’entraînement entre chaque rencontre.
Nous avons également analysé les différences selon le temps de jeu des joueurs. En effet, nos données personnelles nous montrent que sur une saison, 10 joueurs se partagent environ 70% du temps de jeu disponible. De plus 16 joueurs partagent environ 95% du temps de jeu.
La question que nous nous posions était alors la suivante :
Dans des contextes complètement différents comme une période de congestion et de non-congestion, dans lesquels la rotation d’effectif varie, et où les compensations pour les joueurs avec un temps de jeu plus faible sont donc impactées, existe-t-il une différence notable sur les temps passés en pourcentage du WCS en match et à l’entrainement ?
Une fois le WCS individuel déterminé, nous avons mesuré le temps passé à l’entraînement et en match dans différentes zones d’intensité (au-delà de 50% du WCS, par paliers de 10%), ce qui nous donnait un tableau du type suivant :
À l’entraînement, nous avons fait le choix de ne conserver que les exercices intégrés (exercices avec ballon), car un WCS de 200 m/min correspond à une vitesse de 12 km/h, difficilement atteignable dans un contexte de jeu. En revanche, sur des exercices dissociés (ex: course linéaire), ces vitesses sont plus facilement atteintes, ce qui aurait faussé notre analyse.
Nous avons ensuite réparti les 20 joueurs étudiés en deux groupes :
Groupe 1 : les 10 joueurs ayant le plus de temps de jeu.
Groupe 2 : les 10 joueurs ayant le moins de temps de jeu.
Les différences entre les deux groupes sont détaillées ci-dessous :
Effet de la congestion sur les intensités en entraînement et en match
À l’entraînement, nous avons observé que le temps passé dans les zones 50-60%, 60-70%, 70-80% et 80-90% du WCS était supérieur en période de non-congestion.
En revanche, aucune différence significative n’a été observée pour la très haute intensité (90-100% du WCS).
En match, aucune différence significative n’a été observée entre les périodes de congestion et de non-congestion, quel que soit le seuil d’intensité.
Interprétation :
La différence observée à l’entraînement est logique, car la période de non-congestion comportait plus de séances collectives (19 vs 10 entraînements). En revanche, l’absence de différence pour les très hautes intensités suggère que l’entraînement peine à reproduire les efforts maximaux du match.
L’absence d’impact de la congestion sur les matchs indique probablement que les stratégies de récupération mises en place sont efficaces.
Différences selon le temps de jeu
Quel que soit le temps de jeu des joueurs, aucune différence significative n’a été observée, ni à l’entraînement, ni en match.
Interprétation :
Ce résultat interroge nos méthodes d’entraînement, notamment pour les joueurs avec un temps de jeu réduit. Ces joueurs n’ont pas une exposition suffisante aux très hautes intensités en match, ce qui pourrait affecter leur capacité à performer lorsqu’ils sont sollicités.