Le suivi de l'état de forme

Cette présentation a été réalisée dans le cadre de mon intervention au Diplôme Universitaire de Préparation Physique dispensé par le Centre d’Expertise de la Performance Gilles Cometti. Je remercie tout particulièrement le CEP de me donner la possibilité depuis 4 ans de partager ma vision sur ce sujet aux préparateurs physiques en formation.
Lieu
CEP, UFR STAPS Dijon
Date de présentation
Janvier 2024
Thématiques
Monitoring
Les éléments présentés ici ne représentent qu’une partie de mon intervention. J’invite les personnes intéressées par ce sujet et par la formation de préparateur physique à s’inscrire au Diplôme Universitaire de Préparation Physique pour accéder à une des meilleures formation sur le marché : www.cepcometti.com
Pour parler de ce sujet du suivi de l’état de forme, il est nécessaire de définir les deux notions de charge externe et de charge interne. Ces notions sont indispensables pour calibrer un entrainement et connaître l’état de forme d’un athlète.
Une des notions fondamentales lorsque l’on parle de charge interne et de charge externe est l’interaction entre les deux composantes. La charge externe influence la charge interne, comme la charge interne influence la charge externe.
Prenons l’exemple d’une personne courant un 10km en 40min et ayant donc une charge interne de 83% de sa fréquence cardiaque maximale. Il nous est impossible de prédire la distance qu’elle parcourra si elle court pendant 40min à 83% de sa fréquence cardiaque maximale. Cela s’explique par le fait que la charge interne est imprédictible. Celle-ci est dépendante de nombreux facteurs comme l’état de forme.
La charge de travail et l’état de forme ont été définis comme ceci. Dans l’entrainement, le staff propose à ses athlètes une charge de travail qui entraine des demandes physiques. Il s’agit de la charge externe. Celle-ci donne lieu à des réponses physiologiques et psychologiques, la charge interne, qui est à l’origine de l’adaptation. En effet, c’est bien la charge interne qui dicte l’adaptation d’un athlète.
Cette charge interne dicte alors l’état de forme de l’athlète et permet d’évaluer la charge de travail à proposer ensuite.
Il faut alors prendre en compte que l’état de forme considère tout ce qui se passe en dehors de l’entrainement, dans la vie de l’athlète. Le nombre d’heure passé à l’entrainement se situe généralement entre 8 et 15h quand une semaine dure 168h. Ne pas considérer ce qui se passe en dehors de l’entrainement revient à oublier la majeure partie des évènements pouvant influencer l’état de forme de l’athlète.
Cet exemple concret est issu d’un article de ma thèse (voir ici pour plus d’informations). Dans cet étude nous avions testé l’impact de deux planifications différentes sur l’état de forme des joueurs : une planification typique (charges élevées à J-4 et J-3) et une planification modifiée (charges élevées à J-4 et J-2). Les tests d’état de forme avaient été réalisés à J-4 et le jour du match. Nos résultats montraient sur l’indicateur subjectif du Hooper questionnaire de courbatures que la planification typique entrainait une augmentation de celles-ci le jour du match tandis que ce n’était pas le cas sur la planification modifiée. Cependant, en regardant les comportements individuels, nous pouvons nous apercevoir que tout le monde ne réagit pas de la même manière.
Prenons cet exemple de relevé RPE sur une période de 10 séances consécutives pour un joueur 1 (J1 en jaune) et un joueur 2 (J2 en vert). Si l’on posait la question « quel joueur apparaît comme le plus fatigué lors des 5 premières séances ? » la réponse la plus répandue se porterait sans doute sur le J1. Pourtant, il est possible d’observer que l’évolution des données est similaire entre les deux individus. Il est possible que la perception de l’athlète 1 soit généralement plus haute, et que cela corresponde à sa façon de répondre. À partir de la séance 6 on observe une inversion des valeurs, qui montre une variation par rapport aux réponses habituelles. Ces valeurs doivent alors nous interroger et mener à une enquête sur les causes de ces réponses.
Afin de faire des hypothèses pertinentes, il est nécessaire de comparer des contextes qui sont comparables. Imaginons que les séances 3 et 8 (en violet) soient des séances identiques. À ce moment-là, il est possible de faire une hypothèse sur l’état de forme de l’athlète qui a davantage de sens car la séance aurait du entrainer un état de forme identique et donc une note de RPE similaire.
Il est alors nécessaire d’observer ce qui s’est passé avant ces séances 3 et 8, ici les séances 2 et 7 (en vert). Ces séances étaient-elles identiques ? D’après les RPE, ces séances n’ont pas eu le même impact sur nos athlètes. Cela peut alors expliquer en partie les variations dans les RPE des séances 3 et 8.
Cette observation plus précise du contexte permet de renforcer nos hypothèses pour optimiser l’ajustement des charges par la suite.  
Si nous nous trouvions dans un protocole d’étude scientifique, nous voudrions limiter au maximum toutes les incertitudes et les variables pouvant nuire à nos hypothèses. Bien que les limiter totalement soit impossible, il semble indispensable de s’inspirer du domaine de la recherche scientifique dans l’entrainement.
En utilisant des séances types, des situations types, dans lesquelles nous allons observer des indicateurs précis (quelques exemples sont donnés dans la diapo, mais bien d’autres peuvent, et doivent être utilisés), il sera davantage possible de renforcer nos comparaisons et donc nos hypothèses.
Cela ne signifie pas que les entrainements doivent toujours être identiques, mais la variation des entrainements doit parfois pouvoir permettre de retrouver des situations types pour améliorer les comparaisons.
Dans le football, bien que des cibles à atteindre soient souvent proposées sur une semaine d’entrainement, en relation avec la charge de match d’un athlète, il est impossible de dire si ces charges sont trop faibles, optimales, ou trop élevées sans les accompagner d’un suivi d’état de forme efficace.
De plus la variation des réponses des individus rend encore plus complexe la gestion des charges de travail, la capacité d’adaptation étant individuelle.
Après la réalisation du suivi d’état de forme, il est désormais temps de définir avec le staff la charge à proposer à ses athlètes. Malheureusement, il est impossible de savoir quelle charge sera optimale pour mon athlète, compte tenu du fait qu’il est impossible de prédire la charge interne d’un athlète.
Pour autant, la connaissance de l’athlète, la relation avec celui-ci, la compilation et la contextualisation de données fiables, et le suivi longitudinal via des analyses statistiques adaptées peuvent permettre de diminuer les incertitudes.
Il reste important dans ce contexte d’incertitude de se raccrocher à des éléments qui permettent de diminuer les risques de blessure, et d'améliorer les performances. Pour cela, il a été montré que l’amélioration des qualités physiques diminuait le risque relatif de blessure pour un individu. Cela démontre la nécessité, notamment en formation, de développer au mieux ses athlètes, au-delà de l’aspect performance, pour les rendre robustes et adaptables.
D’après toutes ces informations, il semble indispensable d’éviter les charges d’entrainement faibles. À long terme celles-ci peuvent causer une augmentation du risque de blessure, une diminution de la condition physique et donc de la capacité de performance, ainsi que la capacité de développement, menant à son tour à une augmentation du risque de blessure.
Les charges d’entrainement optimales (à définir individuellement ce que signifie optimal) peuvent alors mener à une diminution du risque de blessure, et une augmentation de la capacité de performance. La question se pose alors quant au potentiel de ces charges optimales ou moyennes sur le développement de l’athlète.
Des charges élevées entrainent alors forcément un risque de blessure mais peuvent également mener à une bonne capacité de performance. La différence repose sur l’augmentation du potentiel de développement à long terme, diminuant le risque de blessure futur.
Cette intervention avait donc pour but principal de montrer que le suivi de l’état de forme n’est pas aussi simple qu’on l’entend généralement. Chaque individu à une charge interne différente pour une charge externe identique, ce qui complexifie grandement le suivi, et la proposition de charge par la suite.
Bien que l’individualisation soit complexe à mettre en place, elle doit être recherchée au maximum. Le suivi d’état de forme et des charges de travail, via des indicateurs fiables et rapides, peut permettre de réduire les incertitudes.
Il semble important d’insister sur la notion d’indicateurs fiables et rapides. Si les indicateurs utilisés sont chronophages, et proposent des données moyennement fiables, la question se pose quant à leur utilisation dans un contexte de terrain, le temps étant compté.
Une fois de plus, comme je l’ai montré à travers ma thèse (voir ici), l’adhésion aux principes fondamentaux de l’entrainement dans ce contexte permettra d’assurer une intervention qualitative et l’adaptation de nos athlètes.